Le foyer du deuil

Des événements m’ont fait repousser l’écriture des articles la semaine précédente, résumons ça par un mot: décès. Pas le genre de décès qui fait crier à l’injustice, plutôt le départ tranquille d’une personne à la vie bien remplie, juste avant la déchéance je pense. Bref, un décès pas trop triste, et un billet d’aujourd’hui très court.

En rentrant chez moi et en réfléchissant à un article à écrire pour ce blog, j’ai pensé à la manière dont nos maisons vieillissent. J’ai 32 ans et une maison sur quatre niveaux (cinq, si vous comptez la cave dans laquelle je stocke mes chaussures et où donc je me rends tous les jours): clairement, même si j’adore ma maison, je ne vais pas vieillir ici. Il y a six ans, en visitant diverses maisons en vue d’acheter, je me suis rendue compte du nombre de personnes qui n’ont pas eu la chance de déménager: j’avais visité bien quatre maisons dans lesquelles l’occupant s’était replié sur le rez-de-chaussée, descendant la chambre puis la salle de bain (dans la cuisine...), et finalement, aussi replié à l’intérieur de sa maison que dans sa vie sociale. Incapable de sortir par peur des marches.

Du coup, je me demande. Dans quelle mesure doit-on prévoir sa maison pour l’avenir et où s’arrêter ? Il n’est pas question d’installer un monte-personne mécanique d’escalier là maintenant, mais quand nous referons la salle de bain, est-ce que je prévois une baignoire avec une porte pour sortir ? Aurais-je la santé mentale pour me rendre compte qu’il faut déménager puis partir de chez moi ? Quand est-il trop tôt pour s’en occuper, avant que ce soit trop tard ?

De retour de l’enterrement, j’ai regardé ma maison autrement, non pas seulement comme un refuge, mais comme une carapace, un lieu dont je connaîs chaque centimètre (lequel centimètre est couvert de petits objets entassés). Les maisons qui vieillissent se chargent de poids émotionnel et se raidissent, comme un corps vieillissant que l’on n’exerce pas assez. Ma résolution se confirme : il faut qu’une demeure vive pour devenir un foyer. Comme un corps, elle doit grandir, changer, se modifier, se réinventer et faire de l’exercice, sous peine de se scléroser.

Demain, les ouvriers viennent poser l’escalier vers le grenier et je change l’arrangement sur la table basse du salon. Ma maison vit; moi aussi. Pour l’instant, tout va bien.


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Bill Watterson, Calvin and Hobbes, le strip après le cambriolage de la maison de Calvin. Hobbes va bien.

« La maison d’un homme est son château, mais ça ne devrait pas être une forteresse »

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