Hors sujet: ce qui fait vraiment sens

Ce soir, je vais valider mon statut de gagnante du Nanowrimo. Pendant trente jour, j’ai écrit 1667 mots minimum par jour de fiction littéraire (en réalité, j’ai continué un roman déjà entamé qui traînait dans un placard, mais mon décompte de mot a été réinitialisé). Quand je dis que j’écris un roman, j’ai toujours les mêmes réactions:

« Tu n’as pas assez de choses à faire ? Attends d’avoir plus de temps à toi, quand les enfants seront grands ! »

« Ca sert à quoi ? De toute manière, tu ne seras jamais publiée ! »

« C’est débile de privilégier la quantité, tu dois vraiment écrire de la daube »


Terry Pratchett disait que quand on veut que quelque chose soit fait, il fallait confier la tâche à la personne la plus débordée possible, afin qu’elle agisse avec efficacité et rapidité. C’est exactement ce que j’ai fait. Ai-je d’autres choses à faire ? Oui, des milliers, et je ne parle pas seulement du récurrent quatuor école + repas + lessives et repassage + rangement et nettoyage; j’ai aussi des corniches à peindre pour la véranda, des meubles à déplacer, un rideau à coudre pour isoler la porte d’entrée et un sous-tapis anti-dérapant à assembler pour tenir ma couverture de laine au sol.

Pourtant, j’ai trouvé le temps d’écrire ces 1667 mots tous les jours pendant trente jours. Mon repassage est à jour (j’en ai à faire ce soir), le panier à lessive est à peine à moitié plein, et nous avons mangé des plats cuisinés deux fois dans le mois (dont une tarte flambée et une pizza un soir où je n’étais pas là). La maison est à peu près rangée et raisonnablement propre.

La sous-couche des corniches est faite, je passe la première couche demain. Le rideau est en cours de couture, ma vue ne me permettant pas de travailler de nuit. Le tapis couverture de ma grand-mère est posé sur des anti-dérapants Ikea pour un test de quelques jours. Les meubles ont été déplacés, et par moi seule, en dépit des enfants qui « m’aidaient ».


Et ce soir, j’aurai un premier jet de plus de 70 000 mots qui se concluent avec le mot fin.


Ca sert à quoi ? A donner du sens à mon quotidien. Si s’occuper de ses enfants a du sens, bien sûr, il faut être honnête et admettre que 90% de la partie « s’occuper » comporte des choses ennuyeuses comme les changer, les soigner, vérifier qu’ils ne mettent pas les doigts dans les tiroirs, donner les bains, etc. Ce qui est vraiment gratifiant avec des enfants n’est pas présent à chaque minute, très loin de là.

Par ailleurs, les enfants, ce n’est pas moi. J’ai trop vu autour de moi des mères de jeunes adolescents dont la vie s’écroule après le départ des enfants. Je pense qu’il y a largement la place dans une vie pour s’occuper et de ceux que l’on aime et de soi-même. Pas de raison d’être obligé de choisir l’un ou l’autre. On peut arroser les jeunes plants autour de soi et s’occuper de sa propre construction; je ne vois aucune raison pour laquelle l’un serait exclusif de l’autre ! Pour moi, écrire, même très peu, donne du sens à mon quotidien parce que je peux prendre de la distance. Aurais-je d’autres choses à faire pendant cette heure que j’ai passée chaque jour à écrire ? Bien sûr ! Des choses plus importantes ? Je ne pense pas.


Certes, j’ai écrit ce que je prétends être le pire roman de la planète (en toute modestie). C’est… juste mauvais. Si jamais un éditeur publie ça, ce sera parce que 1. quelqu’un m’aura volé le manuscrit, vu que je ne compte l’envoyer à personne, et 2. parce qu’il sera ivre mort, en passe d’être mis dehors, et totalement incompétent. La seule chose dont je sois fière est le titre: Autoportrait aux oeillères sur la file gauche de l’autoroute (avec des zombies, des extra-terrestres et une infirmière méritante).

Mais là n’est pas la question. D’une part, je vais tout de même passer du temps en décembre pour faire un certain nombre de corrections et essayer de passer de terrible à médiocre, ce qui serait déjà une victoire vue la matière de départ. Ensuite, j’ai FINI un roman. Un vrai, avec des mots qui forment des phrases, quelque chose qui ressemble à un scénario vu de Mars, et des personnages avec autant de consistance qu’un fromage blanc.

J’ai tenu trente jour, sans excuse, sans procrastination, malgré les maladies (bonjour première conjonctivite de ma vie), les corvées quotidiennes qui ne se font pas toutes seules, et Ahri en héros gratuit sur League of Legend. C’était important et je l’ai fait ! Début janvier, après les corrections et le verdict définitif (c’est vraiment un roman pourri), j’entame un nouveau projet auquel je crois et qui mijote depuis des mois.


Je suis sans doute la pire écrivain de la planète, mais j’ai plus de 70 000 mots pour vous le prouver.



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Montage France Culture, photo Hulton Getty

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Récit d'un échec: ça ne sera pas le plat de Noël

Hé bien non, vous n’aurez pas l’article prétentieux et auto-congratulatoire que je vous avait promis en milieu de semaine. Ce que j’ai servi hier midi pour tester le plat de Noël n’était pas vraiment bon.

Au départ, c’était pourtant une bonne idée: un faux tajine de souris d’agneaux aux épices de Noël et une garniture de potiron confit aux figues. La recette a été prise ici. Je n’ai fait que peu de modifications, la principale étant de supprimer les coings parce qu’il m’en manquait et que je ne raffole pas de ça, contrairement au potiron.

Le bilan ? Passe encore pour la souris d’agneau confite aux épices de Noël et au miel, mais quand on prend un légume sucré de base comme le potiron, qu’on le confit dans du sucre et qu’on ajoute des figues très sucrées, ça fait une telle dose de sucre que ç’en devient écoeurant. Vraiment. La recette a mijoté pendant deux heures dans ma cuisine, et rien qu’à cause des odeurs, je n’avais plus faim en passant à table.

C’est LE piège des épices de Noël, et si je l’avais senti venir en suivant les quantités de sucre et de miel indiquées, j’avoue ne pas avoir prévu l’avalanche de confit et de mielleux de ce plat. On dirait une adolescente confite de bons sentiments bien convenables; au début, c’est plutôt mignon, et au bout d’un moment, on a envie de lui jeter du hard rock à la figure tellement on n’en peut plus.

Je pense qu’il aurait été possible d’améliorer sensiblement la recette en la rendant un tout petit peu plus méchante (comprenez, plus acide) avec du jus d’orange et du vinaigre balsamique. Seulement voilà, après les nausées que provoquent maintenant chez mois les mots « épices de Noël » et « miel », vous imaginez bien que je ne vais pas prendre le risque de vérifier.

Nouveau plan: entrées pseudo-asiatiques. Comme je cuisine pour ma soeur world-food et pas trop cassoulet, mais aussi mes grands-parents qui sont plus dans le genre « Noël, c’est foie gras, saumon et dinde farcie » et ses corollaires « les légumes ça sert à rien, c’est pour les vaches » et le très générationnel « si on ne sort pas de table pour chercher de l’alka seltzer, c’est que le repas n’était pas bon » (pourquoi ???), il va falloir trouver un mélange agréable entre tradition et modernité.

Avec une grosse victoire de la modernité, j’ai assez souffert avec des dindes farcies (la dinde chez nous, c’est un poulet glorifié, c’est pas extraordinaire) pour avoir envie de me venger gentiment…

La semaine prochaine, je teste une soupe de coco à l’avocat, banane et pamplemousse, ainsi que des ravioles thaï de langoustines. Les langoustines, ça fait Noël autant pour les anciens que pour les modernes !
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